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L'EXIL FORCÉ DE LA JEUNE GÉNÉRATION MOLDAVE

Attendus aux urnes pour le premier tour de l’élection présidentielle, les Moldaves sont de moins en moins nombreux au pays. En moins de trente ans, l’ancienne république soviétique a perdu un quart de sa population. Un exode qui concerne surtout les plus jeunes.

« J’ai choisi d’étudier le journalisme en Roumanie, simplement parce que ce n’était pas possible pour moi de suivre le même cursus en Moldavie. Alors j’ai été très heureuse quand j’ai su que j’étais acceptée à Craiova », assure Nicoleta Stog. Du haut de ses 21 ans, la future reporter entame sa troisième année universitaire dans le sud-ouest de la Roumanie. Faute d’opportunités et de débouchés professionnels au pays, les jeunes Moldaves sont chaque année plus nombreux à se résoudre à l’exil pour suivre leur cursus.

Dans un État divisé entre roumanophones et russophones – une conséquence directe de l’histoire tumultueuse de la région au cours du XXe siècle –, le choix de l’ouest ou de l’est se fait principalement par commodité linguistique. Il est aussi déterminé par des critères financiers : grâce aux bourses d’État, à celles indexées sur les résultats scolaires ou aux aides à la mobilité, il est parfois plus facile de partir à l’étranger que de financer des études à Chişinău, la capitale. C’est le cas de Nicoleta, qui savoure à Craiova un confort de vie auquel elle ne s’attendait pas : « La Roumanie est plus développée à de nombreux niveaux. Quand j’habitais en Moldavie, je ne pensais pas qu’il y avait tant de différences. »

 

Originaire de la petite ville de Basarabeasca (8 000 habitants), à la frontière méridionale du pays, la jeune femme liste les théâtres, les universités et les nombreuses activités qui s’offrent désormais à elle. « En Moldavie, il n’y a que Chişinău qui peut offrir ce genre de choses, dit-elle encore. Ailleurs, les choses sont plus tristes, et elles ne changent pas vraiment dans le bon sens. Je voulais m’évader de là-bas. »

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Plus d’un million d’émigrants

Si ses aspirations peuvent encore changer, Nicoleta Stog n’a d’ailleurs pas prévu de rentrer une fois son sésame en poche. Il faut dire qu’avec un salaire moyen qui atteint à peine les 320 euros cette année et une économie au point mort, la Moldavie n’a rien d’un eldorado pour ses diplômés universitaires. Ceux-ci constituent désormais 40% du contingent qui quitte le pays chaque année. Principales destinations d’accueil : l’Union européenne (Italie et Allemagne en tête) et la Russie.

Trois décennies après avoir obtenu son indépendance de l’Union soviétique, Chişinău ne parvient toujours pas à stopper la migration massive de sa population vers l’étranger. D’une taille comparable à la Belgique, le petit État moldave ne compte plus que 3,2 millions d’habitants (1), un quart de moins qu’en 1991 !

Le phénomène est si important qu’un  Bureau des Relations avec la Diaspora a vu le jour en 2012 afin de soutenir ce million de ressortissants moldaves désormais établis hors des frontières nationales. L’enjeu est de taille : les sommes d’argent transférées aux familles restées au pays ont dépassé le milliard d’euros l’an dernier, un volume équivalent à 10% du PIB national.

Choisir entre Bruxelles et Moscou

Enserrée entre la Roumanie et l’Ukraine à la porte orientale de l’UE, la Moldavie est dans une impasse. Ses activités agricoles et industrielles, principaux atouts sous la période communiste, sont désormais au point mort. Et si le départ d’une main-d’œuvre peu qualifiée dans les années 1990 pouvait apparaître comme un phénomène temporaire, la fuite des cerveaux observée depuis le début des années 2000 semble rendre irréversible l’appauvrissement du pays.

Parti dès 2004 pour la Roumanie, Mircea Siniuc a fait partie de ces premières vagues d’émigrants hautement qualifiés. Devenu modeleur pour des constructeurs automobiles, il a navigué entre Moscou et Bucarest – où il vit depuis huit ans – sans envisager de rentrer dans son pays d’origine : « Il n’y a pas d’industrie en Moldavie, donc la question ne s’est jamais posée. Je ne suis pas le seul dans ce cas : les autres Moldaves que j’ai fréquentés pendant mes études travaillent maintenant en Allemagne, en France… »

Mircea reste en prise avec Chişinău, où il assure de temps à autre des cours à l’université. Pour lui, c’est une évidence, « la Moldavie ne s’en sortira pas toute seule ». Comme une immense majorité des Moldaves établis à l’étranger, son bulletin de vote ira dimanche à la candidate pro-européenne Maia Sandu, plébiscitée par la diaspora en 2016. Cela n’avait pas suffit face au pro-russe Igor Dodon, élu avec 52,1% des voix et aujourd’hui favori à sa propre succession.

Entre l’influence de Moscou et celle de Bruxelles, le choix des électeurs moldaves devra être clair dans les urnes. De celui-ci dépend sans doute l’avenir d’un pays au bord de l’asphyxie.

 

(1) Ce chiffre inclut les 470 000 habitants de Transnistrie, un État séparatiste établi sur la rive orientale du Dniestr depuis 1992 et toujours non-reconnu par la communauté internationale.

© 2023 par Sylvain Moreau.

 

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